Pourquoi Qonto m’a refusé (ou plutôt, pas encore dit oui)
J’écoute pas mal de podcasts.
Il paraît que c’est bon d’écouter des podcasts. C’est en tout cas ce que j’avais cru comprendre de Ryan Holiday. Il disait qu’apprendre quelque chose passe par 3 niveaux :
nullard : recevoir le savoir de quelqu’un possédant la connaissance ;
bagarreur : challenger ce savoir nouvellement acquis avec un individu dans le même cas ;
chef : transmettre ce savoir avec un autre nullard.
Or le podcast vient activer le premier niveau :
nullard : recevoir le savoir de quelqu’un possédant la connaissance
Donc c’est bien, j’ai commencé à apprendre des choses mais pas suffisant. Je me dis qu’il faut aller plus loin.
Cet épisode 31 du podcasts le Brief traite de l’UX Writing chez Qonto. Et, en moins de temps qu’il ne faut pas le dire, je me mets à postuler chez deux. L’UX Writing est mon métier, l’entreprise a l’air cool et j’ai croisé leur panneau publicitaire dans la rue. Les astres sont alignés.
Non pas que je ne sois pas heureux avec ma carrière de freelance mais pour activer les 3 leviers de l’apprentissage, chers à Riri, c’est une opportunité en or de concilier freelancing et entreprise classique !
Et, je vous le donne en mille :
Je suis refusé.
Hello Aristide,
Merci beaucoup pour ta candidature! Nous savons que postuler peut prendre beaucoup de temps, et apprécions ton intérêt pour Qonto.
Nous avons soigneusement étudié ta candidature et nous avons décidé de ne pas y donner suite car ton profil ne correspond pas totalement à nos attentes pour ce poste.
Qonto connaît une forte croissance donc n’hésite pas à consulter notre site carrière, de nouveaux postes sont à pourvoir régulièrement ! De notre côté nous ne manquerons pas de te recontacter si nous ouvrons un poste pouvant correspondre à ton profil !
Si tu le souhaites, tu peux nous suivre dans notre mission de devenir la solution de gestion financière préférée des entreprises.
Nous te souhaitons une très bonne continuation et bonne chance dans ta recherche ! 🍀
People Team - Qonto
Ça aurait pu être. Le message aurait pu être encore plus triste, digne des plus grands enterrements :
Bonjour,
Nous vous remercions pour l'intérêt que vous portez à notre entreprise. Après un examen approfondi de votre profil, nous avons le regret de vous informer que nous ne pouvons donner une suite favorable à votre candidature. Toutefois, si nous recherchions à l'avenir un candidat correspondant à votre profil, nous ne manquerions pas de vous recontacter.
N'hésitez pas à visiter notre site carrière régulièrement, nous y publions souvent de nouvelles offres.
A très bientôt,
L'équipe Machin
Ma réaction est simple :
Je refuse d’être refusé.
Comment faire ?
Le mail est d’une tristesse. Or d’après l’encart publicitaire, Qonto c’est un mec qui sourit.
Et, pour un job d’UX Writer, autrement dit pouvoir reconnaître une entreprise uniquement grâce aux mots qu’elle utilise, on ne reconnaît rien du tout.
Je me dit que je vais répondre à ce refus par une proposition d’une version améliorée dudit message.
Voilà que je me mets à écrire à tout berzingue 3 trucs qui ne vont pas dans ce message :
1. L’émotion
Pour remettre un peu de contexte et, même si je ne connais ni d’Eve ni d’Adam le process interne chez Qonto, c’est une entreprise. Or toutes les entreprises fonctionnement de la même manière :
Lorsqu’on postule chez Qonto, nous sommes à l’étape 2 dans leur tunnel. À savoir, on vient d’être aspiré par un canal (en l’occurrence le bouche-à-oreille) et on cherche à s’activer de sorte à pouvoir entrer dans l’univers d’appartenance que constitue la marque.
Ce message triste et négatif de refus ne doit être la dernière étape de mon expérience avec la marque. Sinon voilà le souvenir...
Or en recevant ce message, je suis dans un état émotionnel qui s’apparente à de la déception. Le rôle de ce message est de me faire passer dans un état de nature souriante.
Comment faire sourire quelqu’un en lui apprenant une mauvaise nouvelle ?
Après maintes recherches (5 minutes), j’ai découvert que la psychologie nous dit qu’on pense être une personne rationnelle or ce n’est pas le cas. Notre cerveau cherche des raccourcis, qui nous conduisent à de nombreuses erreurs.
Par exemple, on a tendance à se voir plus beau qu’on ne l’est. Si on réussi un entretien, c’est grâce à nos compétences; Si on échoue, c’est à cause des questions moisies.
Ce biais humain nous indique comment commencer notre message : accepter que c’est de la faute de la marque, pas du candidat (même si c’est pas vrai).
Donc plutôt que de rappeler le temps passé à rédiger la candidature en vain :
Nous savons que postuler peut prendre beaucoup de temps
On préférera rappeler au candidat qu’il est le meilleur :
Votre parcours est intéressant à bien des égards.
Cette amorce permet d’annoncer la mauvaise nouvelle. L’objectif est double :
la marque doit arrêter de parler d’elle et se concentrer sur son candidat
la marque répondre à la question que le candidat se pose : qu’est-ce qu’il y a pour mois dedans ?
2. La structure
Une autre lecture me laisse penser qu’il y a un problème de structure. Voici l’arc narratif du message :
Remerciement + Qonto est compréhensif vis-à-vis du temps passé
Qonto a étudié et refuse
Qonto est en croissance et recherchera encore
Qonto ne manquera pas de recontacter
Qonto conseille de suivre Qonto
Formule de politesse
C’est flagrant. Ils n’ont de yeux que pour leur marque.
En soit le choix de la structure n’a que très peu d’importance. En revanche, à aucun moment le message contient de la valeur pour le candidat. Qonto par-ci, Qonto par-là.
De la valeur c’est quoi ?
Valeur = émotion + utilité
En fait, ce qu’une marque fait n'intéresse pas les candidats, ils veulent savoir l'intérêt pour eux. Cette règle est toujours d’actualité.
Quelle est le type de relation Qonto veut avoir avec un candidat refusé ?
De mon expérience, je dirais que ça ne coûte rien de considérer le candidat -tout juste recalé- comme un potentiel candidat à l’avenir. A fortiori le traiter comme s’il avait été accepté. L’objectif sera alors de faire oublier qu’il est un candidat parmi tant d’autres. Pour ce faire, il suffit d’être sincère, de bonne humeur et vraiment aider le candidat.
Bien sûr, on peut naturellement se demander comment apporter de la valeur à travers un message générique ?
Inutile de se creuser la tête pour trouver des phrases qui incitent à passer à l'action.
Les candidats sont là parce qu'ils cherchent quelque chose pour améliorer leur situation actuelle. Leur rappeler.
On ne peut pas aider le candidat en recommandant des ressources externes comme des articles, des vidéos, un épisode de podcasts. Plutôt que :
Si tu le souhaites, tu peux nous suivre dans notre mission de devenir
Apporter de la valeur :
On adore la chaîne YouTube Lessons from the Screenplay et voilà de nos 3 vidéos préférées … N’hésite pas à nous dire ce que tu en penses sur …
Personnellement, j’aime beaucoup être surpris et ce qui m’amuserait c’est d’avoir une suggestion atypique :
En attendant de trouver chaussure ton pied, voilà le clip Toujours Debout de Renaud…
Qui a encore envie de parler de foot après une défaite en finale ?
En soit, le CTA existant “tu peux nous suivre” aura certainement plus d’impact à court terme mais réussir à tisser une relation avec un candidat refusé aura assurément des répercussions à long terme.
Bref, ne pas dire ce qu’il doit faire (s’inscrire) mais ce qu’il recevra. Les bénéfices pour lui, en quoi ça va impacter sa vie.
3. Le ton
Dernier point et non des moindres, le ton !
À mon sens il y a une règle d’or à respecter et ce quel que soit le support ou le contexte : n'écrivez rien que vous ne diriez pas à haute voix.
Ça pourrait être intéressant de faire passer l’inverse du test de Turing à ce message. Pour savoir si une machine aurait pu écrire ce message de refus.
Il n’y a rien de pire (enfin si) que d’avoir affaire à une machine. Pourquoi pas signer avec un nom humain plutôt que tout le monde (donc personne):
People Team - Qonto.
Dans la manière de s’exprimer, la négation ne facilite en rien la bonne transmission du message. Voilà certainement la raison qui m’amène à ne pas croire cette phrase :
De notre côté nous ne manquerons pas de te recontacter.
D’autant qu’en terminant le message par :
Nous te souhaitons une très bonne continuation et bonne chance dans ta recherche ! 🍀 .
Cette formule sonne comme un au revoir, là où 2 phrases plus tôt Qonto promettait de me tenir au courant. Il est certainement plus prudent de terminer par un :
À bientôt.
En fait, pour exprimer ce que pensent les candidats, le mieux est encore de parler comme eux. Comment parle-t-on ?
Pas de phrases de plus 20 mots. Des phrases simples (Sujet, verbe, complément). À chaque virgule, se demander si on ne peut pas commencer une nouvelle phrase pour dynamiser la lecture, etc.
Bref
En partageant ce charabia, j’espère avoir des retours de mon retour. Afin de débattre de ce que j’ai appris en écoutant ce podcast et ainsi activer le niveau 2 :
nullard : recevoir le savoir de quelqu’un possédant la connaissance
bagarreur : challenger ce savoir nouvellement acquis avec un individu dans le même cas
chef : transmettre ce savoir avec un autre nullard
Donc ne pas hésiter à répondre à ce mail.
PS : ajoutons-nous sur LinkedIn, j’ai beaucoup de podcasts à partager.
Bonjour Aristide,
Je représente Qonto, et je suis tombé sur votre article qui me semble très intéressant. Je l'ai de ce fait déjà partagé à mon équipe RH dans une optique d'amélioration continue de notre process de recrutement.
Si vous souhaitez nous contacter (pour quelque raison que ce soit), n'hésitez pas à nous envoyer un e-mail à support@qonto.com, il sera dans tous les cas redirigé vers la bonne équipe.
Nous restons disponibles sur Twitter, Facebook, e-mail ou par tchat en cas de besoin, n'hésitez pas à nous solliciter.
Bonne journée.
Adrien - Qonto